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Coquetterie

Rencontre improbable entre un évêque et la Sainte Vierge…



L'EVÈQUE : – Oh, une fleur ! Une petite fleur qui a poussé pendant la nuit, au milieu du cloître ! Comme elle est mignonne ! Elle est pour qui la fleu-fleur ? Elle est pour qui, hein ? Pour tonton Jojo ! (il cueille la fleur) Voyons-voyons… Je t’aime, un peu, beaucoup, passionnément, à la folie, pas du tout… Mouais. Je t’aime…

MARIE : – Geoffroy ?

L'EVÈQUE : – Pardon ? Il y a quelqu’un ? Qui parle ?

MARIE : – C’est moi !

L'EVÈQUE : – Moi ? Qui ça, moi ? Oooh ! Jésus, Marie, Joseph ! La Sainte-Vierge ! Par exemple !

MARIE : – Je dérange ?

L'EVÈQUE : – Comment ? Euh… Non, non ! J’étais en train de… Enfin, je m’apprêtais à… à relire l’Evangile !

MARIE : – Je vois. Très bien, très bien.

L'EVÈQUE : – Je… Je peux faire quelque chose pour vous ?

MARIE : – Oui. Je voulais te demander une faveur.

L'EVÈQUE : – Vous ? A moi ? Vous êtes sûre ? Je… je veux dire que normalement, c’est plutôt à moi de… C’est dans l’autre sens, quoi ! Vous voyez ce que je veux dire ?

MARIE : – Non.

L'EVÈQUE : – Les réclamations, c’est…

MARIE : – Les réclamations ?

L'EVÈQUE : – Oui, enfin, les requêtes… Ou les prières, si vous préférez ! Ça se passe, euh… Enfin, d’ordinaire, c’est l’inverse ! Ça fonctionne de bas en haut ! D’habitude. Vous… Vous saisissez ?

MARIE : – Mon pauvre Geoffroy ! Tu es tout emberlificoté !

L'EVÈQUE : – C’est que, voyez-vous, je ne m’attendais pas à vous voir ! Vous m’avez eu par surprise ! J’étais là, absorbé, et…

MARIE : – Et je viens, malencontreusement, perturber ta réflexion.

L'EVÈQUE : – Oui ! Enfin, non ! Ce n’est pas ce que je veux dire ! Je… je… Oh, voilà que je m’embrouille !

MARIE : – Calme-toi, mon ami ! Je te demande un simple service. Cela ne devrait guère te tracasser.

L'EVÈQUE : – Oui, oh, je me doute bien que vous n’allez pas me demander des miracles ! Ça, c’est plutôt votre rayon à vous. De quoi s’agit-il ?

MARIE : – De trois fois rien. C’est au sujet de ma représentation.

L'EVÈQUE : – Le spectacle de fin d’année, en votre honneur ?

MARIE : – Non, je parle de mon effigie. De mon portrait dans la cathédrale. Des statues, des peintures…

L'EVÈQUE : – Eh bien ?

MARIE : – Pour une fois, j’aimerais être représentée de façon moins austère. On me montre toujours dans des tenues dépourvues de style. Comme on va rénover la cathédrale, j'aimerais moi aussi avoir plus d’allure. Paraître moins rigide.

L'EVÈQUE : – Vous m’effrayez ! Vous voulez…

MARIE : – De la fantaisie. Mais pas n’importe quoi. Non, simple, avec goût, mais qui fasse un peu chic…

L'EVÈQUE : – C’est que, moi, la mode féminine… Je ne m’y connais guère. Il faut me donner des pistes.

MARIE : – Prenons la robe. S’il pouvait y avoir une petite échancrure qui remonte au niveau du genou ? Déjà, ce serait plus moderne. Et puis, j’aimerais avoir une jolie broche ou un bijou vers le col. Une pointe de dentelle au niveau des manches. Et j’en ai marre d’être éternellement nu-pieds ou en sandales. Des escarpins feraient l’affaire. Pour le voile…

L'EVÈQUE : – Ah, non ! Non, non ! Le voile est parfait ! On n’y touche pas !

MARIE : – Admettons. Il reste l’auréole. Le blanc, à la longue, c’est lassant.

L'EVÈQUE : – Oui, je comprends… Et tellement salissant.

MARIE : – Voilà. Rajouter quelques touches pastel, ça m’irait très bien.

L'EVÈQUE : – Et… Et c’est tout ?

MARIE : – C’est déjà beaucoup. Pour l’instant, je m’en contenterai.

L'EVÈQUE : – En tous cas, je n’aurais jamais imaginé que vous puissiez avoir des préoccupations vestimentaires ! Bon, je vais voir… Il faut que j’en parle à qui de droit. Vous comprenez, ce n’est pas moi qui décide. Mais, je tâcherai de vous satisfaire.

MARIE : – Merci ! je t’en serais infiniment reconnaissante !

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