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Coralie…

Scène entre une directrice de café-concert et une artiste débutante :


LA DIRECTRICE : – Où est la nouvelle ? Quelqu’un peut me dire où est la nouvelle ?

CORALIE :(sort des coulisses) Ici ! Je suis là !

LA DIRECTRICE : – Ah, c’est toi ! Où étais-tu passée ? Déjà à flemmarder, comme les autres.

CORALIE : – Non. Je reprisais mon chemisier.

LA DIRECTRICE : – A d’autres ! Celle-là, on me l’a déjà faite. Vous êtes tous pareils, les artistes. Toujours à tirer au flanc. Si je n’étais pas sans cesse derrière votre dos, l’entreprise tournerait drôlement. Et puis, on ne répond pas ainsi à sa directrice. Insolente !

CORALIE : – Mais, je vous assure que…

LA DIRECTRICE : – Ah, ne réplique pas, hein ? Avec moi, les fortes têtes, c’est la porte. Compris ?

CORALIE : – Oui, madame !

LA DIRECTRICE : – On dit Madame Denise. Bien… Il paraît donc que tu connais monsieur Croussard ?

CORALIE : – Oui. C’est un monsieur qui a des bontés pour moi.

LA DIRECTRICE : – Soit. Il se trouve que c’est également mon banquier. Et qu’il souhaite que je t’embauche. D’après lui, tu aurais des dispositions. Aussi, je consens à te prendre à l’essai. Mais, je ne suis guère convaincue. Tourne un peu, que je te voie ! (la débutante s’exécute) Marche ! (idem) Salue. (idem) Hmm… Tu n’es pas très gracieuse à regarder. Il va falloir bigrement travailler. Tu as un prénom?

CORALIE : – Euh… Oui, oui, bien sûr ! C’est Coralie !

LA DIRECTRICE : – Coralie ? Mais ce n’est pas un prénom, ça ! C’est plat. Insipide. Enfin, ce n’est pas de ta faute. C’est tes parents qu’il faut blâmer. Et ton nom ?

CORALIE : – Duchemin.

LA DIRECTRICE : – Mon Dieu ! C’est affligeant. Coralie Duchemin ! Ma pauvre, avec un nom pareil, tu feras fuir le public ! Changeons cela. Dorénavant, tu t’appelleras Lulu Patinette. Qu’est-ce que tu en penses ?

CORALIE : – Euh… Je préférerais quelque chose de moins… de plus…

LA DIRECTRICE : – Eh bien, il faudra t’en accommoder. C’est ça ou rien. Je suis mieux placée que toi pour savoir ce qui est accrocheur. A présent, qu’est-ce que tu sais faire ?

CORALIE : – Euh… Un peu de tout.

LA DIRECTRICE : – Ce n’est pas une réponse, ça ! Un peu de tout, c’est beaucoup de rien. As-tu déjà chanté ?

CORALIE : – Oui. A la maison, pendant les travaux de couture.

LA DIRECTRICE : – Ah ? Je vois ça d’ici. Seulement, ma fille, ce n’est pas suffisant. Moi aussi, il m’arrive de fredonner. Ce n’est pour autant que je prétends monter sur les planches. Et danser ? As-tu déjà dansé?

CORALIE : – Quelquefois. Le dimanche, à la guinguette.

LA DIRECTRICE : – Je vois. Donc, tu ne sais rien faire. Eh bien, ma petite, il va falloir t’accrocher ! Pour l’instant, tu feras le nombre, dans le corps de ballet. Quelques passages entre deux tours de chant. Et surtout, sois souriante, aimable, et compréhensive avec les messieurs de qualité. Tu entends ?

CORALIE : – Euh… Oui, oui. Je vais essayer !

LA DIRECTRICE : – Bien. File, à présent ! (elles sortent)


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