Lire à haute voix, c'est transmettre : faire passer le texte du livre à un public : « Porter le texte hors du livre par la voix seule » écrit Marguerite Duras dans La Vie matérielle.

En faisant du texte l'objet unique de l'échange, la lecture à voix haute est la voie la plus directe vers un auteur, vers l'acte originel de l'écriture. Ils sont nombreux, de Flaubert à Beckett, de Novarina à Rouaud, à dire, à proférer avant d'écrire ; c'est à voix haute qu'ils cherchent, frappent, modèlent la phrase avant de la consigner sur le papier. Lire à voix haute, c'est tenter de retrouver cette pulsion première, l'acte physique de l'écriture. Le souffle, les mots, le silence.

« Pour lire un texte, il faut avoir le sens de la respiration, écrit Jacques Copeau. L'intelligence, le raisonnement, le bien dire n'ont rien à voir là-dessus. On parle et on agit comme on respire ».

Pour l'acteur, lire à haute voix, c'est revenir au prélude de son art : il capte et tient en éveil l'attention d'un auditoire et, par son interprétation, il éclaire le texte.

André Gide :
« Vous m'avez dit que souvent la longueur des phrases de Proust vous exténue. Mais attendez seulement mon retour et je vous lis ces interminables phrases à haute voix: comme aussitôt tout s'organise ! Comme les plans s'étagent ! Comme s'approfondit le paysage de la pensée ! ».

Pour ce moment de plaisir partagé, forcément bref, qui ne peut qu'inciter chacun à retourner au livre, notre ambition sera de ressembler à ce grand interprète dont parle Jacques Copeau :
« celui qui nous fait tout entendre et qui n'ajoute rien ».

Noël JOVIGNOT

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Extraits (sous forme de questions - réponses) de “Echo d'écoles”
Lettre d'information pédagogique (Janvier 2001)

QUAND DES COMÉDIENS VIENNENT
RACONTER DES HISTOIRES À L'ÉCOLE

En janvier dernier, la municipalité de Chenôve a lancé, dans le cadre des manifestations pour fêter l'an 2000, une vaste opération culturelle axée sur la lecture à haute voix : Tapatoulu, dirigée par Noël Jovignot et les comédiens du Théâtre de l'Index. Il s'agissait de proposer des lectures publiques dans de multiples lieux : bibliothèques, marchés, places publiques, chez l'habitant, maisons de retraite, commerces, etc.
Les premiers partenaires sollicités furent les écoles élémentaires de la ville. La plupart y répondirent positivement.

Pourquoi avoir répondu positivement à cette action ?
Plusieurs raisons nous sont apparues. “Tapatoulu” nous paraissait en adéquation avec notre projet d'école axé sur l'aide aux enfants en difficultés, et tout particulièrement en difficultés de lecture. Travailler avec des comédiens, des conteurs, des intervenants de qualité est un enrichissement tant pour les enfants que pour les enseignants car cela permet d'apporter un éclairage différent, de découvrir d'autres méthodes, de nouvelles démarches.
Le projet Tapatoulu n'est pas seulement axé sur la lecture. Au fil des interventions, des exploitations dans les classes, du plaisir créé chez les enfants, de leur motivation, il nous est apparu comme un projet éducatif global.

Comment se sont déroulées les actions des comédiens ?
Quelles réactions chez les élèves ? Quels intérêts pour les enseignants ?
Les interventions des comédiens ont été de deux types et en direction de deux publics.
Trois classes de cycle 3 ont bénéficié, à 15 jours d'intervalle, d'une prestation des comédiens : lectures de contes (contes du soleil, de la faim, du pourquoi, du comment).
Ces interventions furent souvent suivies en classe de manière spontanée, de recherches et/ou de lectures. D'autre part, des enseignants volontaires ont pu bénéficier d'une formation qui avait surtout pour objectif de travailler la diction et le choix des textes à proposer.
Nous avons été très surpris, au cours des lectures faites pour les enfants, de leur plaisir extrême, de leur attention soutenue. L'alternance des voix, le travail précis et chaleureux des comédiens leur ont permis de découvrir une autre façon de lire, moins scolaire, plus ludique. D'ailleurs, à l'initiative des conteurs, très vite, certains élèves ont osé lire devant les autres une histoire, un album qu'ils avaient choisis.

Quel bilan tirez-vous de l'accomplissement de ce projet ?
Les enfants ont pris de l'assurance, une certaine confiance, maintenant ils osent lire vraiment à haute voix. L'intervention des comédiens, cet apport extérieur de qualité a permis d'ouvrir l'école. Nous avons bénéficié d'une formation qui nous a incités à trouver des situations inductrices d'oral. La lecture à haute voix a amorcé la lecture “tout court”.

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De tous les auteurs que j'ai pu lire, c'est André Frédérique qui m'a le plus touché. Petite présentation de cet auteur injustement oublié :

André Frédérique : Le pharmacien comique

André Frédérique (1915 - 1957) a vécu au second degré, jouant sa vie dans des personnages de dérision, le pharmacien comique, j'homme qui se marie… Admiré de Raymond Queneau, il n'a jamais joué à l'écrivain et a laissé une œuvre dispersée dans des livres aujourd'hui introuvables, à la radio, dans les poches de ses amis. Les textes, poèmes et sketches, corrosifs, grinçants, acides, figurent dans Histoires Blanches (Gallimard, épuisé), Poésie Sournoise (Plasma, épuisé) et La Crande Fugue (Le Cherche midi). Ils sont réunis dans l'anthologie de Claude Daubercies : André Frédérique ou l'art de la fugue.

« Fred nous a quittés, comme il quittait la table, en plein œuf dur mayonnaise. Prétextant une urgence qu'il aurait oubliée, il saluait la tête de veau somptueusement dressée sur son plat et dont il attendait beaucoup… Il présentait quelques excuses, bloquant les rires qu'il venait d'allumer. (…) Avant de s'échapper ; il laissa la réponse à cette question qui a toujours été la nôtre : Comment se libérer de son propre poids et du poids de la vie quand tout devient trop pesant ? C'est en usant d'un certain rire. »

Jean Carmet

Je me souviens d’une lecture dans une école primaire et du regard lumineux des enfants. Je me souviens d’une lecture sur un marché de banlieue et des discussions, ensuite, avec les badauds. Je me souviens d’une lecture, au printemps, dans un jardin et de la douceur du moment. Je me souviens du fou rire inextinguible que nous avions eu, Noël Jovignot et moi, lors d’une lecture à Pernand-Vergelesses, dans la maison de Catherine Dasté. Je me souviens d’une lecture, dans un supermarché, et du sourire complice de la vendeuse de poisson. Je me souviens de mon cœur qui battait en lisant, en sa présence, un texte de Jacques Lacarrière, Je me souviens du couscous offert par une famille, après une lecture en appartement. Je me souviens d’une lecture, dans une chapelle, la veille de Noël. Je me souviens…


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